Agora et transition(s), Littérature décoloniale sud-américaine

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Comment les recherches latino-américaines se positionnent-elles face aux défis contemporains et l’urgence écologique ? Cette séance interrogera la place des études décoloniales développées en Amérique latine depuis la fin des années 90 afin d’ouvrir le débat sur les nouvelles perspectives proposées pour penser notre futur depuis « le Sud ». Ces études décoloniales octroient à la nature une valeur pour elle-même, indépendamment de son utilité économique. Elles mettent en avant une vision biocentrique qui prend tous les êtres vivants comme point de référence. Ce « tournant ontologique » amène à questionner les usages de la nature.

Précisons que ces études décoloniales ont influencé les politiques équatorienne et bolivienne et ont amené à l’inscription d’un droit à la nature dans la législation de ces deux états. Le concept du Buen Vivir / Vivir Bien s’est vu élevé au rang institutionnel depuis sa mise en Constitution en 2008 (Equateur) et 2009 (Bolivie). Celui-ci émerge des cosmogonies andines et amazoniennes faisant référence à un Vivre-ensemble en harmonie avec la nature selon un principe d’interdépendance et d’interconnexion. Ce concept est présenté par les acteurs politiques comme un nouveau paradigme de développement visant à décoloniser l’État, la pensée, l’éducation, la nature et donc à repenser l’exploitation des ressources naturelles ainsi que le système économique. Ces études décoloniales nous propose ainsi de renouveler les manières de penser et d’envisager notre rapport à la nature.

Nous vous présenterons ainsi deux ouvrages qui puisent dans les épistémologies indigènes et qui proposent une lecture décentrée pour aborder les problématiques socio-environnementales.

ACOSTA Alberto, 2014.

Le Buen Vivir. Pour imaginer d’autres mondes. Amérique Latine, Paris, UTOPIA, pp 186.

ESCOBAR, Arturo, 2018.

Sentir-Penser avec la terre. L’écologie au-delà de l’Occident. Paris. Editions du Seuil, (éd. Unaula, Medellin, 2014), pp 225.

Arturo Escobar, anthropologue d’origine colombienne, travaille sur les tensions entre le monde occidental et les mondes indigènes à partir des concepts d’ontologie politique et d’ontologie écologique. Ils critiquent la « colonisation du savoir » et puisse dans les épistémologies du Sud. Selon lui, la crise écologique menace non pas « la nature mais les conditions même de l’habitabilité du monde et de la reproduction de la vie » (Acosta, 2018, p.12). Les savoirs autochtones se voient alors mobilisés comme une forme de résistance à la modernisation (Escobar, 2018). Les travaux d’Arturo Escobar s’opposent à la notion même de développement qui est selon lui intégré dans des logiques politiques prédatrices de la Nature, déjouant ainsi toute forme de responsabilité, d’émotivité et de réciprocité à son égard. Son concept de « plurivers » amène à reconsidérer cette perception du développement.

Alberto Acosta, quant à lui, est économiste équatorien, ancien ministre des énergies, il analyse les inégalités sociales comme une conséquence du système capitaliste et du mythe du progrès. La conquête hispanique et, dans la continuité, le modèle néolibéral, ont engendré un pillage des ressources naturelles (Acosta, 2014). Dans cette forme d’organisation sociale anthropocentrique, les humains sont devenus extérieurs à la nature. Pour Alberto Acosta, la Nature est une construction sociale, un concept produit par l’homme qui le sépare de cette entité (Acosta, 2013).

Jordie Blanc Ansari est anthropologue et enseignante ATER à l’Université de La Rochelle. Sa thèse en anthropologie, réalisée à l’Université Sorbonne Nouvelles Paris 3 et au Centre de Recherche et de Documentation sur les Amériques (CREDA – UMR 7227), portait sur l’appropriation sociale et politique du concept du Vivir Bien en Bolivie à partir d’une méthode participative par l’image, sous la direction de Franck Poupeau.

RDV le 4 avril à 19h30